Episode 15 – Christophe – 97 ans

Christophe est né en 1925 à la Réunion. Il commence à travailler à 7 ans et n’a pas la chance d’aller à l’école. Dans cet épisode, il nous raconte comment il a, coûte que coûte, tracé sa route.

Christophe et Aurélie de Rembobinette dans la maison de Christophe à la Réunion

Christophe a 97 ans et vit dans les hauteurs, dans une coquette maison qu’il a construite de ses mains. De chez lui, on voit l’océan. C’est dans son salon que nous échangeons sur sa vie. Je découvre un homme qui a toujours travaillé pour nourrir sa famille et ce dès le plus jeune âge. Un homme qui n’a pas eu une enfance facile et qui a voulu offrir mieux à ses 7 enfants.

C’est aussi un homme très croyant, qui dit que sa foi l’aide au quotidien.

Je vous laisse découvrir son histoire et la partager si elle vous a plu !

C’est Christophe qui le dit :

Retranscription de l’épisode

Bonjour et bienvenu dans ce nouvel épisode de Rembobinette, le podcast qui donne la parole à nos aînés. 

C’est l’été, peut-être le début des vacances pour vous, ou la fin, ça arrive aussi. Quoi qu’il en soit, je vous invite à prolonger vos vacances à la Réunion avec Christophe. 

Christophe a 97 ans et vit dans les hauteurs, dans une coquette maison qu’il a construite de ses mains. De chez lui, on voit l’océan. C’est dans son salon que nous échangeons sur sa vie. Je découvre un homme qui a toujours travaillé pour nourrir sa famille et ce dès le plus jeune âge. Un homme qui n’a pas eu une enfance facile et qui a voulu offrir mieux à ses 7 enfants. 

C’est aussi un homme très croyant, qui dit que sa foi l’aide au quotidien.

Je vous laisse découvrir son histoire et la partager si elle vous a plu !


L’enfance de Christophe : au travail !

Christophe est né à la Réunion le 25 juin 1925. je vous aide avec le calcul, ça lui fait 97 ans. 

Quand il a 7 ans, son père meurt. Pour faire vivre la famille, la maman de Christophe décide alors qu’il doit travailler. 

Son travail consiste à surveiller un petit garçon de 2 ans et à jouer avec lui. C’est une lourde responsabilité pour un si jeune enfant. 

Vers 8 ou 9 ans, il change de travail. 

“Vers 8 ou 9 ans, je travaillais dans la cour des gens pour enlever l’herbe dans les fleurs”

ll ne va pas à l’école et le regrette, sa vie aurait peut-être été différente. Mais il me dit que maintenant, il l’accepte puisque ce n’était pas sa faute. 

Puis à l’âge de 15 ans, en pleine guerre, il travaille dans les champs de haricots, là où se tient maintenant un petit aéroport. 

“Mais travailler, j’ai travaillé. J’ai travaillé ici dans la guerre. Pendant la guerre c’était dur. il fallait aller travailler à Pierrefond, gratter la terre, planter les haricots…”

La guerre à la Réunion

C’est la guerre et la vie est difficile pour tout le monde. 

“C’était difficile. Difficile même pour les habits. On avait des habits faits en rabane, avec des grosses coutures, ça piquait. C’était dur, dur, dur la guerre. Et on ne mangeait qu’un repas par jour. On mangeait aussi tous les fruits qu’on trouvait, les goyaves, les mangues, pour pouvoir survivre. Elle a été dure pour nous cette guerre. Et arrivé à 20 ans, il a fallu aller à l’armée. Là j’ai quitté le travail et je suis allé à Madagascar pour le service militaire”

A l’époque et jusqu’en 1946, Madagascar est une colonie française. L’île devient ensuite un territoire d’outre-mer avant de redevenir indépendant en 1958. Au début, Christophe a un peu peur de se rendre sur une île inconnue. Mais il me confie avoir apprécié l’expérience. 

Son chemin professionnel

Enfin, c’est le moment de rentrer à la Réunion, son île. Il devient maçon et très vite, chef d’équipe. Il a construit des kilomètres de route, des lacets sans fin dans la montagne, sur un territoire hostile. Il en a fallu du travail pour viabiliser ces routes et quiconque les a empruntées ne peut qu’admirer le travail de ces hommes, réalisé à la force des bras. 

Lorsque son patron meurt, il décide de se mettre à son compte, et lance une entreprise de construction de maison. Il a d’ailleurs construit de ses mains, tout seul, deux maisons pour sa famille. Ça lui a pris 20 ans, mais il l’a fait et il en est fier, ça sort de ses mains, comme les routes. 

En plus, je peux vous dire qu’il a choisi un bel endroit, avec une vue magnifique. De sa fenêtre, il voit les petits avions de l’aéroport de Pierrefonds, les hélicoptères, et l’océan, les vagues au loin. Ça lui fait passer le temps, surtout quand il y a des éruptions au Piton de la Fournaise et que les touristes se jettent dans les hélicoptères pour les survoler. 

Plus tard, faute de travail suffisant, il part en métropole, du côté de Nîmes. Il laisse sa famille derrière et revient quand il peut. Il travaille dans une usine de meubles et transporte les pièces finies dans le magasin. Il adore ce boulot. 

Mon meilleur souvenir ? Franchement, je vous dirais, c’est quand je travaillais en métropole. Quand je travaillais dans l’usine de meubles et que j’allais livrer de Béziers jusque Nice, c’était vraiment bien”

Il était heureux dans son camion, avec la radio et les paysages. Il se souvient surtout du Pont du Gard. Il en parle avec des étoiles dans les yeux, il dit que c’est une construction magnifique et impressionnante car réalisée sans ciment !

Sa carrière se finira à la Réunion, à 58 ans, suite à une blessure sur un chantier. 

3 mariages, 7 enfants

Maintenant qu’on a parlé de sa vie professionnelle, parlons du reste : sa vie de famille ! Sachez d’abord que Christophe a été marié 3 fois.

La première fois, il a 24 ans. Ils ont 7 enfants ensemble ! On ne voit plus très souvent de si grandes familles ! Christophe le comprend car il le dit, ce n’était pas facile, surtout financièrement. Il le prend avec humour, et explique comment il nourrissait sa famille :

“Chez nous, le matin, on mange du riz, pois et rougail tomates. Et le soir on change, on mange rougail tomates, riz et pois. Tous les jours on change” (rires)

Malgré beaucoup d’amour et une belle famille, le couple divorce après 33 ans de mariage. Ils ne s’entendaient plus. 

Plus tard, il se remarie. 

“Quand on s’est séparé, je me suis remarié avec une autre. On a fait juste 15 ans. A la date anniversaire elle est morte”

Après ce triste épisode, il reste seul un temps. Mais il n’aime pas la solitude, il dit qu’on est fait pour être à deux, comme dans le jardin d’Eden. Alors il se remarie une dernière fois. 

Le regret de Christophe, 97 ans

Quand je lui demande s’il a un regret dans la vie, il me dit oui.

“Ce que je regrette ? De ne pas connaître lire. Parce que je vais vous dire, je suis un chrétien. Il faudrait que je lise la Bible mais j’arrive pas à lire. Il faut que les autres lisent pour moi. Ça je regrette. J’aurais bien voulu savoir parce que dans la Bible, ils racontent à ou beaucoup de choses, spirituelles surtout.”

Il ne sait pas bien lire mais il peut être fier car il a fréquenté l’école des adultes et appris à déchiffrer des mots qu’ils qualifient de simples. Il s’est accroché et grâce à sa persévérance, il a réussi à obtenir son permis de conduire. 

La religion guide son chemin

Vous l’aurez remarqué, Christophe est très croyant. Nous avons échangé longuement sur le sujet. La religion et ses croyances l’ont toujours aidé dans les moments difficiles de sa vie. Il dit qu’il doit beaucoup à Dieu. 

“La religion est très importante pour moi. Si on est croyant à demi, ça va pas. Moi je suis un croyant fervent. Je crois, là je parle avec vous, je crois que Dieu m’entend.”

Son souhait pour la suite, c’est de ne pas être seul et qu’on l’aide à vivre chez lui. Le matériel ne l’intéresse plus, seul compte l’humain. 

“A mon âge, j’ai plus besoin de ça [ça étant sa maison]. J’ai besoin d’aide. je suis handicapé. Je ne marche plus. Pour me déplacer faut faire attention pour pas que je tombe. Eux, comme c’est la famille, ils me préparent à manger, ils me portent. S’ils me donnent ça, c’est ça que j’ai besoin, pas d’une maison.”

Et bien Christophe, c’est tout ce que l’on vous souhaite ! La santé et d’être bien entouré ! 

Je vous remercie pour votre écoute, j’espère que vous avez apprécié ce moment en compagnie de Christophe. Si oui, je vous invite à donner une bonne note au podcasts sur votre plateforme d’écoute et surtout, à le partager autour de vous. En attendant le prochain épisode, rendez-vous sur Facebook et Instagram pour mettre un visage sur nos invités.

Bel fin d’été à vous et à bientôt pour une nouvelle rembobinette !